Voyage sur Mariehamn 3 en juillet/août 2022 de Tromso à Bergen
- jlmaral
- 8 sept. 2022
- 18 min de lecture
Dernière mise à jour : 24 nov.
Vendredi 15 au Vendredi 22 Juillet Hier soir, nous sommes arrivés à la Marina de Skattora, à trois milles au nord de Tromso. La mise à quai sans marche arrière fut un peu rock'n'roll, mais grâce à mes coéquipières, nous y sommes arrivés. Elles ont fait merveille. Le chef marina est venu nous accueillir. Je lui ai rappelé que nous avions rendez-vous et il nous a dit qu'ils avaient beaucoup de travail et qu'ils nous gruteraient dès qu'ils pourraient. Effectivement, lundi après-midi, nous étions sur le terre-plein. En Norvège, le travail, c'est d'abord "no stress". L'atelier de mécanique a déposé, puis démonté l'hélice. A l'intérieur, les engrenages étaient foutus. Comme l'approvisionnement d'une hélice demandait trois semaines (no stress !), j'ai commandé une Jprop au distributeur français. La tripale est arrivée vendredi. On l'a montée. On a remis à l'eau. Et miracle, la marche arrière marchait en arrière. Il n'était plus question de soucis d'inverseur. Une hélice genre Jprop défectueuse peut-être la cause du blocage de la marche arrière d'un bateau qui continue de propulser en avant alors que la manette d'inverseur est en position arrière, ou d'un moteur qui monte dans les tours en marche arrière sans effet de freinage. Bravo à Pierre, au chantier des Torpilleurs, qui avait émis cette hypothèse après réflexion par téléphone quand on lui avait décrit nos symptômes. Si cette expérience peut servir à d'autres, c'est tant mieux ! Nous, on a beaucoup cherché et on s'est fait pas mal de soucis alors qu'il n'y "avait qu'à" changer l'hélice, et c'est tout. Durant cette semaine, nous avons bricolé sur le bateau, fait du vélo. Les twins sont allées jusqu'au cap nord. Et on a sympathisé avec diverses personnes sur le chantier. En bref, pas grand-chose à part des rencontres enrichissantes qui nous ont permis d'apprendre sur la vie en Norvège. Nous sommes allés aux tremplins de saut à ski, impressionnant !!!! En tous cas pour nous qui n’en n’avions jamais vu.



Samedi 23 Juillet
Départ sous la pluie. Route au moteur jusqu'à Tromso, soit trois milles. On a passé la marche arrière une dizaine de fois et tout était parfait. Dans la marina, j'ai pris le ponton en marche arrière. Il n'y avait pas de vent. La manœuvre était splendide. J'étais le roi du bassin. Les twins sont arrivées en soirée. Nous étions prêts pour un nouveau départ.

Dimanche 24 Juillet Route vers Finnsnes. A peine dans le sud de Tromso, dans le fjord, un gros dos gris se déroule sur notre avant. C'est une baleine. Nous la suivons durant une bonne demi-heure. Nous essayons d'identifier cette bête placide et comme son dos est gris assez clair, nous pensons à un rorqual boréal (petit souffle et plongée de faible durée). Puis une lecture plus approfondie nous indique que cette espèce ne s'approche pas des côtes. Il se pourrait aussi qu'il s'agisse d’une baleine de Mink ou petit rorqual. Mais alors ce serait vraiment un très gros spécimen très peu foncé. Si quelqu'un identifie l'animal, qu'il le note dans les commentaires ! Le gris de la bête est nettement plus foncé sur les photos qu'en réalité.


Puis on s'arrête pêcher quelques morues. Enfin, un vent léger se lève et on fait route avec notre super génois.

A l'arrivée, je bats machine arrière pour m'arrêter au ponton et une vague de plaisir m'envahit. Ça marche et c'est bien pratique dans les ports. On a quand même fait sans marche arrière depuis six semaines.
Lundi 25 Juillet Route sud. On reste dans les fjords. A l'extérieur, le vent est trop fort. La VHF canal 28 diffuse des avis de "gale warning". Dans les fjords, il n'y a pas ou peu de vent. On alterne moteur et voile, soleil timide et pluie. Demain, il fera beau, enfin, peut-être. Peu avant l'arrivée, je remarque des signes d'activité à la surface. On s'arrête. Je mets une ligne à l'eau. La touche est immédiate. C’est un gros, suffisamment gros pour tout casser. Je prends une autre canne, renvoie et attrape deux gros lieux noirs. J'aurais pu continuer et en attraper beaucoup d'autres, mais nous avons du poisson pour deux jours : stop !

Un banc de poisson à la surface, ça donne à peu près ça : les très gros sont en-dessous et attaquent les gros qui mangent les petits, ceux-ci fuient vers la surface et se font attraper par les oiseaux. Ça grouille de partout. Autrefois, il y a longtemps, on pouvait voir ça en Manche.

Le soir, un mouillage bucolique avec un ensemble d'arbres dont la plupart dépassent les quatre mètres. Ça doit s'appeler une forêt. Ça se présente sous la forme d'une grosse masse verte. Nous n'en avions pas vue depuis longtemps. Et moi, ce soir, je regarde ces arbres avec plaisir.

Mardi 26 Juillet Matin gris et humide suivi d'une matinée brouillasseuse qui précède une après-midi pluvieuse alors que la soirée est arrosée. On arrive à faire un tiers du chemin à la voile, particulièrement quand on débouche dans le nord du Vestfjorden, cette baie pointue bordée sur son ouest par les îles Lofoten. Le mouillage est ce soir dans une baie en forme de fer à cheval qui doit être souriante sous le soleil. Sous les ondées, la plage. Mais en ce moment, elle est grise et terne. Aujourd'hui, on a mangé du poisson midi et soir.

Mercredi 26 Juillet
Ce matin, vent fort. Départ au louvoyage. On passe le cap. Et ensuite, on est presque sur la route directe. Le contre-bord n'est pas trop long. Hélas au ras de la côte, au nord du Westfjord, la mer est hachée, mauvaise et froide, en tous cas quand elle éclabousse, et c'est assez souvent que l'étrave plante et que la vague passe par-dessus la capote. On tire un contre-bord assez loin de la côte, pas à toucher les Vesteralen mais presque. La mer est plus calme, et on continue au près, sur une mer un peu moins croisée, un peu moins dure, un peu moins agitée. Parfois, la radio nous diffuse un "gale warning", mais c'est pour un peu plus loin. Parfois, nous croisons un cargo qui va sur Narvik, aujourd'hui pas plus de pêcheurs professionnels que de pêcheurs amateurs. En fin d'après-midi, on pique sur la côte, longe une île et entrons en abattant par un canyon sous-marin dans un amas d'îles minuscules et de cailloux à faire peur à un Breton de Perros-Guirec. Nous nous faisons le plaisir d'une entrée à la voile dans un chenal très étroit et sinueux. Au bout du chenal, Nordskop, un port comme il n'y en a plus en France. Un ponton visiteur de trente mètres où il n'y a que nous, et surtout une épicerie en libre-service sans épicier. On rentre, on se sert, on paye à la caisse automatique avec sa carte bancaire et on sort avec ses courses, celles qu'on a payées, et rien d'autre.
On remarque aussi les poubelles fermées avec un cadenas ou une serrure. Drôle de pays où l'on fait totale confiance à l'épicerie, mais où l'on craint de se faire voler le contenu de sa poubelle... enfin plus probablement qu'un voilier français mette ses ordures dans un conteneur non approprié.

Jeudi 28 Juillet Sortie du port de Nordskop par le chenal sud qui serpente entre des îles, des rochers, pendant quelques milles. Nous passons sous une ligne haute tension qui est à 25m selon la carte, 23m selon les instructions nautiques et une bonne trentaine de mètres en réalité, en tous cas à mer basse et près de la balise verte. Lorsqu'on rejoint la pleine mer, on s'arrête pêcher et on attrape de quoi se nourrir. Nos premiers maquereaux. Enfin, on met sous voile et dans un vent vacillant, nous avançons au près pas trop serré vers le sud et Bodo. On se traîne. Je fais des rillettes, des maquereaux à la moutarde, enfin rien de bien brillant en matière de navigation. L'arrivée à Bodo est tardive, le ponton visiteur est plein. Un gros et beau bateau alu allemand semble pouvoir nous accueillir à couple. Hélas le couple d'allemands propriétaire nous impose des conditions d'amarrage à couple tellement compliquées et imbéciles que nous renonçons. Heureusement, un bateau s'en va. Nous prenons sa place. J'ai une envie de gamin de huit ans qui irait vider son seau à strouille sur le pont de leur superbe voilier. Mais comme hélas je n'ai plus huit ans, je résiste à la tentation et j'en souris pendant quelques heures. Demain, nous irons conquérir la ville. Mais pour l'instant, les conquérants vont manger, boire une tisane et se coucher.

Vendredi 29 Juillet
Journée Bodo. Les twins soco rangent leurs affaires. Elles nous quittent demain. Visite du musée de l'air, par rapport à celui de Dayton, Ohio, c’est rikiki. Mais on s'intéresse quand même et on essaie d'apprendre un peu. Puis on traîne en ville et on finit la soirée dans une brasserie que les twins avaient repérée. La dernière bière est à 14°. Elle a du corps, de la cuisse, du bouquet et tape un peu sur l'arrière de la tête. Quand on sort, il est minuit. Une queue de plus de 50 personnes patientent, sagement alignées sur le trottoir avant d'entrer. Il fait sombre. Pour la première fois depuis plus de deux mois, nous commençons à entre-apercevoir l'amorce d'un début de nuit et ça nous fait du bien.
A moins que ce soit la dernière bière.

Samedi 30 Juillet A partir de ce samedi, pépère et mémère naviguent tous les deux, comme du temps où ils étaient jeunes. Pour partir, je me fais un petit dégagement d'étrave en marche arrière avec appui sur par-battage, splendide ! Cette marche arrière est un régal. Nous naviguons sous grand-voile haute et génois, parfois avec un filet de moteur car il faut bien faire un peu de PIB et aider ces pauvres Norvégiens. Il fait soleil. Le ciel est bleu. Nous venons de passer sous le 67ème parallèle, le 66°33' latitude du cercle polaire approche. Et le temps change. Bientôt, nous serons dans le sud et déjà les effets de la canicule se font sentir. A 16h, il fait 16° en mer. Et bien sûr, c'est 16° au-dessus de zéro. Nous étouffons. Soirée au mouillage, en amoureux, sur une île. Très tard, nous voyons le soleil disparaître sous l'horizon. Nous donnons dans le romantisme extrême.


Un phare Norvégien. Compte tenu de la hauteur sur l’eau, calculez la distance à laquelle on peut voir la loupiote quand on est à 1 mètre au-dessus de l’eau. Sur la base de la section des fers qui le supportent, vous pouvez aussi avoir une idée de la profondeur au pied du phare et vous dire qu’il est temps de virer.
Dimanche 31 Juillet
L'amirale m'a viré du lit très tôt. Il paraît qu'il faut partir sans trop tarder car le mouillage ouvre au sud et que le vent va venir sud. Nous partons, sans vent, poussé par notre machine à faire du PIB et du CO2. Une heure plus tard, le vent se lève, et nous marchons au louvoyage comme il ne faut rien rater et que nous sommes là pour en profiter. Le vent forcit et nous prenons un ris, puis deux. Puis nous délaissons le génois pour la trinquette que finalement nous porterons légèrement roulée car c'est plus chic. Après cinq heures à tirer sur les écoutes, à enchaîner les virements de bord car nous sommes dans des fjords étroits et parsemés de cailloux, on rentre au port de Kleppan et on va aux champignons. Il n'y avait pas de champignons, alors on a ramassé des myrtilles pas très mûres et moins bonnes que celles qu'on trouve au supermarché et qui sont importées du Maroc.

Je triche quand je montre cette photo du ponton visiteur de Kleppan. Une heure avant, il y avait un autre voilier.
Lundi 1 Août Le vent a tourné. Aujourd'hui, c'est portant. Détail important ! Avant de partir, j'achète un leurre lourd pour grosse morue. Un de ces leurres est tellement gros qu'il est plus prudent de les cacher une fois rentré en France. 500gr, tout en inox. Je vais attraper des monstres. Très vite le temps tourne à la pluie, c'est pas si grave. Le seul problème, c'est qu'il se stabilise. Quarante-cinq milles plus loin, on mouille sous la pluie. Ah, j'oubliais. En plus, il y avait du brouillard. On n'a rien vu. On a repassé le cercle arctique sans émoi. Ce soir, j'ouvre un bocal de conserve maison. C'est colombo de dindon. Au moins, on a bien mangé. En plus, on a mis le chauffage.

N’imaginez surtout pas que les Norvégiens pauvres pourraient habiter dans ce genre de maisons mignonnes. Le niveau de vie et le niveau de conscience sociale feraient de cette situation une indignité nationale. Mardi 2 Août Quelques rayons de soleil dissipent les brumes. Nous sommes au sud du cercle polaire. La canicule est pour bientôt. On ne débarque pas car le meilleur endroit pour sécher nos vêtements de mer, c'est au large. Nous serpentons parmi les cailloux en nous guidant d'abord de la cartographie électronique, puis sur des perches bâbord et tribord posées de-ci de-là. Une précision s'impose au sujet du balisage en Norvège. Ici, Bassirouge et Tricovert est à considérer avec retenue. En effet, la partie supérieure de toutes les perches est... carrée ou triangulaire, mais indifféremment entre vert et rouge. Un fin liseré vert ou rouge est disposé sur le carré, mais pas toujours, ce qui n'est d'ailleurs pas très grave puisqu'en général, on ne le voit pas. Parfois un espèce de doigt, d'ergot dépasse du carré pour indiquer le côté où il faut passer, mais pas toujours, ce qui n'est d'ailleurs pas très grave non plus puisqu'en général, on ne le voit pas. Les balises flottantes sont rares. Lorsqu'elles existent, elles sont similaires aux nôtres sur la couleur, mais leur forme peut être parfois différente. Elles sont alors cylindriques, qu’elles soient rouges ou vertes. Quant aux cardinales, elles sont rares. Nous en avons vu quelques-unes dans le sud de la Norvège, passé Trondheim, aucune.


Si je ne vous mettais pas les photos, vous ne me croiriez pas !

Sur notre bâbord, les "Seven Sisters" ruissellent et étincellent au moindre rayon de soleil. La neige qui recouvrait les sommets a fondu. Seuls restent ces sept crêtes de granit noir alignées. Nous prenons la route qui passe par les îles. Toutes ressemblent à de gros crachats plats posés à la surface de l'eau. En Norvège, il y a des îles abruptes et des îles molasses. Ici, c'est la région des îles molasses. Ça ressemble à la baie de Newport en Irlande au nord de Killary Bay, sauf qu'on n’a pas les pubs et la bière quand on arrive au port.
Le soir au mouillage, un gros catamaran est à côté de nous. C'est assez rare pour être remarqué. Il pleut. Ça, par contre, c’est moins rare.

Mercredi 3 Août Route vers Roervik, en très grande partie sous la pluie. Peu de choses à dire à part que j'ai pris et lâché un ris quatre fois, enroulé et déroulé le génois cinq fois et que nous avons dû faire une grosse heure sans moteur et un peu moins sans pluie. On est arrivé à Roervik. On a passé la ville de Bronnoysund qui n'a strictement aucun intérêt. C’est pourquoi un gus féru de géographie a constaté qu'elle était juste à équidistance du cap Nord et de Lindesnes, le point le plus au sud de la Norvège. Fort de sa constatation, il a fait apposer une plaque à l'entrée du port. Dingue, non ?


Jeudi 4 Août
Le temps était médiocre. Il va se dégrader. Nous décidons de rejoindre Stoksund, un endroit pas forcément grandiose, mais d'où nous allons pouvoir prendre un bus pour aller traîner à Trondheim. Une navigation de presque 50 nautiques où nous passons de crachin à pluie ou à brume. La sortie du chenal de Roervik est chaotique car le passage (12 milles) est orienté dans le sens de la houle et on en profite bien. L'arrivée à Stoksund se fait à la nuit tombée. Notre première arrivée de nuit depuis presque trois mois. Le site est mignon, boisé. C’est un abri magnifique. Nous y passons trois nuits le temps que la tempête s'essouffle. Au menu, vélo, balade, courses, bricolage et repos.

Dimanche 7 Août
Presque beau temps. Et plus du tout de vent. Misère ! Route au moteur vers Hitra, île à la sortie du fjord qui mène à Trondheim. La mer est plate entre les îles. Parfois un rayon de soleil timide, parfois une petite bruine. En bref, un jour sans : sans vraiment de la pluie, sans vraiment de vent, sans vraiment de soleil. On avance et c'est tout. Les bras de mer se suivent et se ressemblent. Les fjords sont beaux, mais on en a vu d'autres. Le soir, on rentre dans un bras plus protégé. On contourne des installations d'élevage de saumons gigantesques dans le but de rejoindre une toute petite baie en forme de feuille de trèfle. Quand on arrive à Hamnebukka, c'est comme ça que s'appelle la feuille en question, on se rend compte que le mouillage secret a été transformé en marina. On pourrait faire notre mauvaise tête de français cabochard et mouiller devant. Mais la dernière fois qu'on a fait ça, on a mis deux heures à quatre pour récupérer l'ancre qui avait croché un corps mort abandonné. On va au ponton visiteur.


Lundi 8 Août et jours suivants Direction Kristiansund. Un coup de vent arrive. Là-bas, on sera bien. A Kristiansund, on s'amarre au ponton visiteur. Je paye ma place de port grâce à l'app "go marina". Deux heures plus tard, un pépère arrive et me demande de payer. Je lui explique que c'est fait sur l'application. Il me répond que non, que j'ai payé pour une autre marina et que, si je reste, je me dois de payer la place, mais que je pourrais demander remboursement à l'autre organisme dont il me donne le numéro de téléphone. La situation ne me plaît que modérément, mais je m'exécute. Trois jours plus tard, je reçois le remboursement de la part de l'autre marina. Comme entre temps le cours de la couronne norvégienne avait monté, j'ai fait du bénéfice. Les Norvégiens sont des gens honnêtes. Nous sommes allés au musée de la vieille marine, splendide, passionnant. Hélas pas de visite guidée, mais une entrée libre et gratuite sur les pontons et dans les ateliers, le tout dans une odeur d'il y a trois siècles, mélange d'huile, de goudron, de poisson fumé, de vieux bois et de vieux bateaux. On visite les ateliers de réparation. On regarde les vieilles machines, les vieux moteurs et quelques machines à vapeur.


Nous sommes allés au musée de la morue, celle qui partait au Portugal et en Espagne. Nous avons parcouru les bâtiments guidés par Maria, 17 ans, un job d'été, un anglais parfait et une furieuse envie de bien faire et de nous faire partager cette tranche d'histoire locale. C'était passionnant, émouvant de voir les conditions de travail de ces pauvres gens il y a seulement un demi-siècle, de constater le progrès réalisé dans ce pays en soixante ans.
La ville de Kristiansund présente une analogie avec celle du Havre. Elle a été bombardée par les Anglais pendant la seconde guerre mondiale et presque totalement détruite. Puis les Anglais, après l'après-guerre, ont développé des activités avec lesquelles ils ont gagné beaucoup d'argent. A Kristiansund, c'était la fabrication de la morue salée-séchée et le commerce vers la péninsule ibérique.
En Norvège, sur la côte, il existe un plat traditionnel, le baccalao (en Norvégien dans le texte !) qui est une préparation à base de morue salée-séchée cuisinée avec tomates, oignons, parfois poivrons, olives, basilic, thym... Enfin, un plat avec beaucoup d'ingrédients pas du tout Norvégiens et que l'on mange très souvent entre Porto et Lisbonne. Je n'ai jamais dit à un Norvégien que c'était d'inspiration lusitanienne. Ils sont tellement convaincus que c'est leur tradition !

Vendredi 13 Août Le vent s'est calmé pendant la nuit. Du coup, ce matin, il n'y en a plus. Nous partons pour Ona. Ce petit port sur une île minuscule nous avait tellement impressionnés à l'aller que nous y retournons. En Août, le ponton visiteur est presque plein. Il ne reste qu'une place pour nous. Grâce à une marche arrière très appréciée, je me mets au ponton et nous partons en balade sur l'île. C'est plus vert qu'à l'aller. C'est aussi plus animé, enfin un peu. C'est plus gai, moins austère ! Demain, nous irons à Ålesund, la grande ville historique. Nous remarquons que nous n'avons pas eu de drame en mer alors que nous sommes un vendredi 13. Claude Lelouch et Jean-Yves Terlain sourient et n'en disent pas plus.



Dimanche 14 Août On sort d'Ona. Aujourd'hui, je suis bien décidé à pêcher, soit des maquereaux maintenant qu'on est dans le sud, soit ce qui voudra bien mordre et qui sera un peu gros. Après quelques tentatives infructueuses, je prends deux maquereaux et quand je les remonte, un gros poisson suit. Je relance avec un leurre plus gros et deux poissons suivent. Puis trois sur le coup d'après. Je dis que ce sont des gros lieux. L'Amirale rectifie en disant que ce sont des squales. Je m'abstiens de lui expliquer que ce comportement n'est pas et ne peut-être un comportement de squale. Je change de canne et c'est la touche. Je remonte doucement ce poisson assez lourd et pas trop nerveux. C’est un requin. L'Amirale le gaffe. On le hisse à bord. Il mesure un mètre. C’est un aiguillat femelle. Quand je la vide, elle est pleine de petits aiguillats vivants. Cette espèce est vivipare. Je remets les alevins dans l'eau. Ils nagent. J'ai bien fait de ne pas dire que ce ne pouvait être des squales. La bestiole s'avérera très bonne, bien meilleure que les hâs de la manche, ce qui n’est pas difficile !

On peut voir sur la photo les aiguilles devant les nageoires dorsales et latérales qui justifient le nom du poisson. Elles sont vraiment très piquantes et solides.
Ålesund, enfin une ville avec un peu de charme, des rues animées, des terrasses, des gens dans les rues. Nous sommes arrivés à 19h. Le port était plein. Nous nous sommes mis à couple d'un Hallberg-Rassy de notre taille. L'équipage était à l'apéro. Nous avons considéré que c’était un signe de civilisation. Ils nous ont accueillis chaleureusement.
Lundi 15 Août
Toute petite étape. A l'aller, le mouillage de Flavaer nous avait plu. On y retourne. En plus, on avait attrapé une dizaine de crabes et on pense récidiver. Une fois de plus, c’est une navigation sans vent. C'est clairement une purge cette météo. En plus, il semble qu'une dépression arrive mercredi. L'amirale cuisine en route et on mange le squale dehors, sous le soleil, une recette à la tomate et aux olives, le luxe. Vive les conserves de tomates et le poisson frais.

Au mouillage, on pose la nasse. On débarque. On se promène et on remarque deux adolescentes qui se baignent à partir de leur bateau. L'eau est à 16°. On est loin de l'arctique. On les admire à peine.

Autrefois, il y avait une école ici. Reste le bâtiment.

A l’intérieur, une salle de classe comme les autres. Presque comme les autres. La dernière leçon a été donnée en 1975.

Mardi 16 Août Après diverses tergiversations liées à des prévisions météo différentes sur nos deux systèmes (windfinder et le système d'exploitation des fichiers grib installé par François sur l'ordinateur de bord), nous partons pour passer Le Cap Stat, direction Maloy où nous nous terrerons dans une marina pour laisser passer le coup de vent. Vous noterez que par la seule utilisation du verbe "terrerons" j'indique que j'en ai plus qu'assez de cette alternance de coup de vent et de calme plat. En plus, il n'y avait que quelques petits poissons dans la nasse, pas de crabe. A part la Méditerranée, je ne connais pas d'endroit plus ennuyeux que la côte Norvégienne en matière de vent. Ce soir, on fait les courses. On fait des rillettes de poissons puisqu'on a pris quelques poissons. On est en ville, au ponton. Demain, ce sera vélo et visites diverses.
Mercredi 17 Août
Et bien non, aujourd'hui, il n'y a pas tant de vent que ça. On part. On fait une quarantaine de milles, à la voile et surtout au moteur. En mer, il y a trente nœuds de vent de sud. A quelques milles à l'intérieur des terres, dans le chenaux et dans les fjords, il y a cinq nœuds. A part la Méditerranée, je ne vois pas d'endroit où de telles variations existent. Le lendemain, même scénario. Au niveau voile, c'est navrant. Heureusement, il reste un paysage superbe. Le soir, on échange quelques mots avec un ketch Hollandais qui est passé par la mer pour éviter de faire trop de moteur. Ils ont tenu cinq milles, se sont bien fait secouer et ont pris la première entrée possible pour regagner les chenaux.

Jeudi 18 Août
Toujours ces coups de vent de sud. Mais nous sommes dans les terres et c'est tout calme. Nous passons par des chenaux très étroits. Dans les passages larges, nous réussissons à faire quelques milles à la voile. Le paysage est toujours de qualité avec de plus en plus de maisons. La plupart d'entre elles sont des cottages de vacances ou de week-ends accessibles uniquement en bateau. Beaucoup ont l'électricité grâce aux câbles qui courent un peu partout au fond des fjords, mais pas toutes. Par contre, l'eau est celle de la citerne ou de la source. Il faut dire qu'ici, il pleut souvent. L'eau ne manque pas. Toute la journée, nous avons cherché les balises. En plus, des remarques notées précédemment, il faut tenir compte d'un autre paramètre. Dans un chenal, le rouge est à gauche et le vert à droite quand on va vers le nord. Mais quand le chenal va vers l'ouest ou l'est, c’est selon, surtout s'il y a des virages. Parfois si le chenal amène à un port, on reprend la règle internationale. Mais il y a des ports dans tous les chenaux. Tout dépend donc de la taille du port : s'il est au-dessus d’une certaine taille, c’est un chenal de port, sinon c'est le sens nord sud qui l'emporte. Hélas personne n'a été capable sur les pontons de me définir la taille du port important. Je suppose que si Clochemerle était un port Norvégien, ce serait un port important ! En attendant, il est mieux de ne pas se tromper car les balises ne sont pas disposées pour rien!

Vendredi 19 et Samedi 20 Août
Route sud vers Bergen. Nous avons choisi de passer par une enfilade de fjords très étroits situés à l'est de notre route aller. Comme nous nous rapprochons de Bergen, c'est une succession de petites maisons de week-ends ou de vacances qui alternent avec des résidences principales nettement plus grandes. Toutes ont vue sur la mer. Toutes ont leur petit ponton devant la terrasse en bois. Beaucoup ont un bateau amarré au ponton, parfois deux, alors qu'il n'y a manifestement personne à l'intérieur. Des bus catamarans nous doublent ou nous croisent parfois de fort près dans ces chenaux qui manquent de largeur. Ils vont ou viennent de Bergen et desservent tous les villages de la côte pour un prix très raisonnable, similaire au prix d'un ticket de bus en France. Dimanche nous serons à nouveau à Bergen. Nous prendrons quelques jours de repos. Puis, dès que les vents souffleront... nous irons revoir la Normandie.

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