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Août Septembre 2021 - retour du sud du Portugal

Dernière mise à jour : 20 avr. 2022

La boucle portugaise, retour du Portugal en passant par les Açores.


26 Août Florence est retournée travailler après un mois avec moi où nous sommes allés de la Galice à Faro. Pascal et Philippe, mes nouveaux équipiers arrivent à Faro en fin d'après-midi midi. Je vais mouiller à Olhao avec Mariehamn pour les récupérer puis je retourne mouiller à Culatra avec eux, dans la lagune pour la nuit.




Le lendemain visite de l'île de Culatra, son supermarché où sont autorisés 4 personnes à la fois en ces temps d'épidémie, ses bistrots où s'accoudent les pêcheurs et les touristes et bien sur le sable partout, les plages, les maisonnettes qui ne dépassent jamais 2,6 mètres de haut, peuplée de pêcheurs pauvres et de touristes à la recherche de soleil idiot ou d'endroits rares.




Le Lagon qui faisait autrefois la réputation de Culatra n'est plus le même, les navigateurs fatigués, les hippies des mers, les marginaux de tout poil qui y habitaient sur leur bateau souvent très fatigués ont été fermement priés de déménager, des pieux barrent l'entrée et l'ensemble fait maintenant parti du parc naturel de l'île. L'avantage est qu'on peut s'y baigner dans une eau à 27° pas trop polluée mais un mythe a disparu.



Seuls restent quelques Wharrams habités dont l'un d'entre eux quitte parfois son mouillage sur la plage de Culatra pour quelques bords de portant dans la lagune, et aussi la célèbre maison de Peter qui est un jour arrivé dans un bateau étonnant et qui n’est plus jamais reparti. Cette maison, faite de matériaux de récupération est unique, surprenante et magique. Ici on l'appelle le moulin rouge. Autrefois, Peter habitait là, son bateau échoué entre les pieux le long de son habitation où parfois sur le bateau de son amie qui avait récupéré un ancien bateau moteur appelé "nous trois" . Aujourd'hui, Peter finit ses jours à l'hôpital d'Olhao. Sa maison reste là et à chaque grande marée haute, la mer vient nettoyer le plancher du salon. Son bateau crève doucement dans l'anse d'après, à côté de l'épave de "nous trois". Nous avons passé 48h dans cet endroit exceptionnel, mangé du porc aux coquillages, des huîtres de la lagune puis nous sommes partis. Il valait mieux, on aurait pu être tenté de rester.




La Maison de Peter , en arrivant par les dunes. Ici appelée le moulin rouge



La Maison de Peter , sur la plage du lagon .



Le lagon, aujourd’hui désert



Le bateau de Peter



Lors des étapes suivantes nous avons longé tout doucement les côtes de l' Algarve , sous une chaleur de plomb.



Nous avons admiré cette côte toute découpée, ces roches déchiquetées, ces grottes, les aiguilles si nombreuses qu'elles feraient pâlir d'envie un habitant d'Etretat .



Des dizaines de gros pneumatiques semi-rigides fortement motorisés transportaient des centaines de touristes eux aussi venu admirer ces merveilles de la nature et un doux parfum d'hydrocarbures mal brûlés restait à la surface des flots , renforçant la magie de l'endroit.



Puis nous sommes arrivés à Portimao, ville touristique de l' Algarve dont on peut ne pas parler....ah si, le Lidl est très bien et à seulement 5 km du port.


Parfois, sur le coup de midi, une frugale collation, principalement constituée de salades.



Dimanche 1er Août


Départ de Portimao, direction Sines, une navigation de 80 nautiques, nous arriverons tard dans la nuit .

Le début se fait en vent de travers, le long de la côte et nous en profitons pour regarder une dernière fois les grottes et les rochers de l'Algarve.


Puis vient Le Cap Saint Vincent où nous devrions virer à 90°pour remonter plein nord le long de la côte Vincentina. Hélas, le vent est Nord-Ouest ce qui nous oblige à partir vers le large pour augmenter l'angle avant de virer et de pouvoir enfin remonter au Nord sur un long, un très long bord de près le long de cette côte battue par des vagues énormes où il n’y a aucun port qui offre un bon abri avant Sines. A 4h , au milieu de la nuit, nous mouillons au fond de la baie. Des jeunes s'ébattent sur la plage, dans la nuit nous ne faisons que les entendre. Lundi 2 Août Réveil au mouillage dans le port de Sines. La pompe à eau ne s'arrête plus. Après vérification, nous nous rendons compte que le réservoir d'eau est vide mais que la cale est inondée. Direction les pontons de la marina pour réparation. Nous pompons, vidons, épongeons, séchons. Un raccord a cassé et la pompe à eau douce a vidée le réservoir d'eau douce dans la cale. Nous réparons et remplissons à nouveau notre réserve d'eau douce. Puis balade en ville et bière en terrasse.


Nous recevons le résultat du test concernant Philippe, il est indemne de toute contamination par ce fichu virus. Nous pouvons partir. Nous avons étudié les prévisions météo et elles nous conviennent. L'alizé portugais est un peu plus étroit que d'habitude et pas trop fort. Si nous partons le matin nous aurons peu de vent jusqu'à 17 heures puis une grosse vingtaine de nœuds jusqu'à minuit à une allure qui sera entre le travers tribord amure et le près bon plein. Ensuite le vent devrait faiblir à 15kn puis moins dans la matinée suivante avant de se renforcer jusqu'à presque 30km sur la bande côtière des 100-150 milles mais nous pensons que nous serons alors juste après cette zone et que nous pourrons éviter ces conditions un peu fortes. Mardi 3 Août. Jour1 Ce matin, nous sommes à la fois tendus car nous partons pour 5 à 7 jours de mer et aucun d'entre nous n'a jamais fait d'étapes aussi longue et nous sommes aussi impatients de réaliser ce rêve. Au début c'est nul. Pas de vent. Moteur. On discute. A 16h ça commence à souffler. Il faut dire que lorsque la météo dit 20 kn c'est sans compter les rafales alors on prend un ris, on réduit le génois, on le réduit encore, on prend le deuxième ris, on délaisse le génois pour la trinquette et bien sûr on se fait secouer car, pas de chance, on est au près. On se félicite d'avoir pris un peu de Nord quand le temps était clément et on avance dans des gerbes d'écumes, on monte, on descend, on se cramponne et même parfois on vomit un peu mais toujours avec distinction.


Le pilote tient le bateau sur sa route et on reste à l'abri de la capote en regardant passer les paquets de mers par-dessus. Bien sûr même à l’ abri on est éclaboussé, trempé, mais on continu de se cramponner en vérifiant de temps en temps que sa longe et celle de ses coéquipiers est bien frappée sur le point d'attache.



A minuit, certains profitent de la baisse du vent et de l'adonnante pour aller se coucher. Durant toute la nuit, dans une mer qui se calme tout doucement nous allons foncer dans le noir, bien aidés par la veille électronique qui nous situe les cargos, très nombreux cette nuit-là. Nous les identifions sur l'écran, nous savons où ils sont, qui ils sont et où ils vont alors les croisements sont faciles malgré la mer un peu forte. Après 24h, nous sommes à 144 nautiques de Sines et de la statue de Vasco de Gama. On remarquera au passage que Vasco aurait pu s'appeler Vasco de Sines et s'étonner qu'il ait choisit de placer après sa particule un nom qui fait furieusement penser à un nom de lessive. L'un d'entre nous pense que c'est parce que Gama Soutra mais nous n'en sommes finalement pas très sûr. Jeudi 4 Août Jour 2 Mon premier matin humide depuis deux mois. Lever sous un crachin breton. Tout ruisselle. A l'intérieur ça ruisselle aussi pas mal car les paquets de mer que nous avons pris hier soir se sont partiellement infiltrés à divers endroits. Ca m'ennuie, notez la litote, et j'essuie, relevez la rime. A midi au menu steak de thon aux oignons, en effet, hier juste avant le vent j'ai pris une bonite d'un kilo. On se régale. Journée sans beaucoup de vent, on avance quand même, on règle les voiles que l'on a maintenant hautes, on discute et surtout on regarde la mer et le flux et le reflux nous font marrer. Aucun poisson ne s'intéresse à nos leurres alors le soir je fais des nans, il faut dire qu'on a oublié de faire un stock de pain avant de partir , je ne suis pas très fier de cet oubli mais nous avions tellement d'autres sujets de préoccupations que celui est passé à la trappe.

Ce soir le soleil se couche devant, légèrement sur la droite.

Lorsque la nuit tombe je me retrouve seul dehors, je veille une mer où il n'y a personne à 25 nautiques à la ronde et où, de toute façon, l'AIS veille mieux que moi, alors je rêve, je note quelques pensées, je regarde le noir profond de l'océan, les lueurs des étoiles et de temps en temps, je donne un ou deux tours de manivelle en me persuadant que grâce à ça le bateau va doucement accélérer. Le vent mollit inexorablement. Le claquement des vagues sur la coque et le pont devient clapotement puis clapotis. La vitesse s'effondre, je donne quelques tours de winch, tout doucement pour ne pas réveiller mes équipiers, la vitesse continue de tomber. Je regarde aux alentours, la mer est vide, comme annoncé par l'électronique. Si on se traine encore comme ça dans un quart d'heure je démarrerai le moteur pour donner un peu d'appui mais ça va réveiller mes équipiers. Puis le vent reprend à nouveau et nous accélérons à presque six nœuds, certainement grâce à ces quelques tours donnés il y a un quart d'heure. J'ai bien fait de ne pas démarrer le moteur. Nous marchons tranquillement, dans une nuit calme, douce, certains dorment, parfois je vois passer la station spatiale et j'imagine que Thomas Pesquet me fait signe derrière son hublot pour me demander un autographe. Le second jour s'établit à 138 nautiques. Compte tenu des variations de vent que nous avons eu nous sommes satisfaits. De toute façon nous voulons l'être. Vendredi 5 Août Jour trois Il est deux heures, nuit noire, j'entends un énorme plouf juste derrière moi. Je me redresse pour voir la mer et comprends : une bande de dauphins est poursuivie par deux ou trois orques, certainement affamés. Comme le plancton est ce soir phosphorescent ce sont des traines brillantes qui zèbrent la surface de l'eau. Bien sûr certaines de ces traînées fines sont poursuivies par une autre trainée beaucoup plus massive. Pendant cinq minutes la mer est irradiée de lueurs brillantes tout autour du bateau. Je ne suis pas très rassuré car les attaques d'orques sur les voiliers sont très courantes sur l'Ouest de la péninsule ibérique et je crains que ces bestioles ne délaissent les dauphins manifestement très agiles : ils leur suffit de tourner à angle droit lorsqu'ils sont à pleine vitesse pour que la grosse bête continue tout droit. Je n'aimerais pas que ces saletés d'orques se rabattent sur le bateau et croquent ses safrans. Trop de bateaux ont vécu ce désagrément dans les jours qui ont précédés. Enfin ces bêtes s'en vont. J'en suis ravi. Sur le coup des trois heures, je vais me coucher et réveille mes équipiers. Ils ont de la chance le vent forcit en restant modéré. Le bateau marche bien pendant quelques heures et moi je décolle dans ma couchette.


La journée s'écoule ensuite comme la précédente. On peaufine quelques réglages mais objectivement assez peu, on cuisine, ce qui prend pas mal de temps dans cet espace qui bouge toujours, on mange, on surveille les lignes de traîne, deux touches aujourd'hui mais les poissons se décrochent illico, on lit, on dort à tour de rôle, on discute, on se lave, on s'émerveille sur ce bateau qui taille sa route, sans dépenser d'énergie. On imagine des lignes de cargo régulières qui pourraient transporter du fret à la voile. Et, au-dessus de nous Thomas Pesquet passe la tête par le hublot pour nous dire qu'il est d'accord avec nous mais nous ne l'entendons pas.

Je tente une réparation sur le circuit des panneaux solaires, il semble que ce soit un fusible qui ait encore grillé, je le change, on verra si ça marche demain.

La nuit tombe et je me retrouve à la veille dans un vent mollissant qui parfois se renforce un peu avant de retomber alors je donne parfois un tour de manivelle et je me convaincs que le bateau marche mieux. Là haut Thomas Pesquet passe le bras par le hublot avec le pouce levé.

Personne à plus de 25 nautiques à la ronde . J'aimerais pourtant pouvoir appeler un cargo à la VHF pour lui demander la météo pour les jours à venir afin de potentiellement recaler ma route .


Samedi 6 Août.

Jour 4

Le rituel est respecté. A 3 heures, je réveille les autres, tous les deux car ils préfèrent tenir leur quart ensemble.

Vent faible cette fin de nuit, parfois on met en route le moteur pour une heure puis on l'arrête car il y a assez de vent. A 10h, nous n'avons parcouru que 124 nautiques. Notre plus mauvaise journée sur ce plan mais demain risque d'être pire puisque le vent refuse en mollissant.


A 11h, j'entre en contact radio avec un porte containers qui accepte de me passer la météo. Nous resterons au près serré toute le journée par 16kn de vent WNW (pour un cap au 265) demain sera NNW à 15kn , après demain NNW 14kn. On aurait aimé un peu plus de nord!


Pascal n'est pas bien. Les secousses lui ont déclenché un bon mal de dos, de plus il a le mal de mer, malgré cachou et recachou. Il souffre. Il essaie de ne pas le laisser paraître mais il n'en peut plus. L'adage concernant le mal de mer se vérifie une fois de plus. Au début, c'est terrible car on croit qu'on va mourir, ensuite c'est pire car on se rend compte qu'on n'en meurt pas. Il somnole dans son coin, abruti par les médicaments, parfois mange un peu avant de vomir. Journée maussade. On se traine. Le soir arrive, le vent devient plus favorable , on avance un peu mieux, peut-être ferons-nous plus de 100 nautiques si la nuit qui vient est avec nous. Je surveille mes réglages, la direction du vent et nous ne marchons pas trop mal. Je m'applique pendant que les autres dorment. Le bruit des vagues devient régulier, c'est bon signe. Hélas, ce soir Thomas Pesquet ne nous encourage pas. Nous sommes seuls au milieu d'un océan qui ne nous donne pas le vent qu'il nous faudrait. Un vague doute s'installe. Dimanche 7 Août Jour 5 C'est dimanche jour des gâteaux. Nous sortons un brownie de chez Forchy. On remarquera la richesse de la rime en i, signe indubitable qu'un brownie Forchy ne peut-être que très bon. La journée démarre sous des hospices favorables puisque nous avons fait 130 milles nautiques à 10h, la bonne moyenne de la nuit a sauvé la journée. De là, à penser que les gâteaux Forchy ont aidé, il n'y a qu'un pas mais nous ne le franchirons pas.



Le vent , conformément aux prévisions météo à bien adonné et nous ne sommes plus au près serré. Nous pouvons à nouveau nous déplacer sans nous cramponner. Le bateau marche mieux, la glisse est plus souple, l'avant ne claque plus dans les vagues, tout va mieux. Pascal n'a plus trop mal au dos et le mal de mer a disparu. Soulagement, d'abord pour lui ensuite pour les autres. La journée se déroule tranquillement, lorsque le vent monte le bateau accélère, lorsque le vent descend il ralentit mais la vitesse reste toujours supérieure à ce qu’elle était les jours précédents. Le pilote donne de petites oscillations de part et d'autre, nous le regardons faire respectueusement, nous admirons la mer, le bleu des grandes profondeurs, la taille de la houle qui forme des collines éphémères sur la ligne d'horizon, nous dormons sans être bousculés ni tassés sur le côté de la couchette et nous imaginons une journée à 150 nautiques si la nuit nous offre du vent. Mes coéquipiers profitent que je dors profondément pour faire des pâtes au repas du soir. Ils sont fiers de cette plaisanterie d'adolescents. Depuis qu'ils sont là j'ai mangé plus de pâtes que dans les trois ans écoulés. Je me venge au dessert en dévorant le reste du brownie sous leurs yeux. Et là haut Thomas Pesquet se marre en se promettant d'emporter du cake Forchy lors de sa prochaine expédition. Au point du soir, nous nous rendons compte que nous approchons sérieusement du but. Sauf gros imprévu nous devrions arriver dans moins de deux jours. La nuit est claire, calme, le vent diminue tout doucement. Pour limiter les coup de bôme quand le vent est insuffisant je tends la retenue . Parfois on traverse un banc de brume : c'est une purée épaisse qui se limite à quelques mètres au-dessus de la surface de l'eau et qui n'empêche pas de voir les étoiles au-dessus du feux de mât. Très rarement au loin des feux de cargo, celui-là s'appelle Atila , vient de Gibraltar et va à Houston, nos routes sont parallèles , comme il ne marche qu'à 10kn nous resterons en contact une grande partie de la nuit. La nuit prochaine peut être je verrai des pêcheurs, ou alors un autre voilier qui ferait lui aussi route vers les Açores. Dimanche 8 Août Jour 6 Nous nous retrouvons tous dans le cockpit au réveil. "Au réveil" signifie quand tout le monde est sortie de sa couchette c'est à dire sur le coup des 11 heures, en effet je termine mon quart après 4h alors j'émerge assez tard pour ce moment qui devient doucement rituel. Nous échangeons sur les conditions de la nuit et je calcule la distance parcourue. Nous sommes à 153 nautiques, notre meilleure journée. Nous sommes maintenant à moins de 100 nautiques de Villa do Porto, sur l'île de Santa Maria. Un sentiment de joie, de satisfaction flotte autour de nous. Les jours passants, je me rends compte que mon corps s'habitue à ces conditions de repos étranges et j'arrive de mieux en mieux à récupérer. Ce matin, ils ont démarré le moteur sur le coup des 9h et je ne me suis pas réveillé. Le vent de Nord par notre travers n'est plus qu'un doux souvenir, une fois de plus nous sommes au près, qui devient près serré vers la fin de l'après-midi.


A 18h, Pascal remarque au dernier moment un paquet de cordage qui passe sous l'étrave et qui ne ressort pas sur l'arrière. Nous regardons par le puit de dérive, rien, nous regardons derrière, rien, nous démarrons le moteur et embrayons, le moteur cale. Soyons positifs ! On sait où est ce foutu bout, mais c'est quand même bien embêtant. Nous mettons en panne et un morceau de cette énorme amarre de cargo dépasse derrière le tableau arrière. Pascal s'attache, descend sur la jupe, croche l'énorme bout, tire, pousse, tire et fait glisser comme il peut.


Sans grand résultat alors il continue, continue, au bout d'un certain temps la pelote gigantesque se décoince et sort toute entière sur l'arrière, elle est énorme, nous la laissons à la dérive, d'autres pourraient en avoir besoin! En fait, c'est tellement gros que nous ne pouvions la remonter à bord. C'est bien dommage car j'aurais certainement pu en tirer 30€ sur Leboncoin.

Le vent continu de refuser. Nous descendons trop vers le sud . J'appelle un cargo, "Grande Florida" pour lui demander les prévisions météos sur les 24 prochaines heures . NE 4 a 5 . Ca devrait donc adonner.



Cinq heures plus tard, nous attendons toujours l'adonnante et continuons de faire trop de sud. On vire pour un contre bord qui devrait nous faire remonter vers la route. Nous sommes maintenant face à la houle. Ça secoue, on se cramponne, il est trois heures du matin, on marche à 4 nœuds sur un bord qui ne nous rapproche pas de l'île, parfois une vague recouvre le bateau. J'ai pris un ris dans la grand-voile , trois tours dans le génois, je suis dehors je veille et je suis heureux malgré ces conditions pourries et ce vent qui refuse.


Lundi 7 Août


Au petit matin, une forme confuse émerge de la brume : Santa Maria, l'île la plus au sud de l'archipel. Elle est toute petite mais pour nous c'est le signe de notre arrivée prochaine. Le vent a fini par adonner et nous sommes certes toujours au près mais sur une route directe. Pour Pascal c'est un peu la fin du supplice. La côte de Santa Maria est abrupte nous remarquons les cultures en espalier sur certains des flancs de la montagne, parfois un village se glisse dans un repli de ces anciens volcans et ses maisons blanches, serrées les unes contre les autres éclairent la roche sombre. Au-dessus des sommets désertiques, au pied une eau transparente, au loin l'horizon, c'est tout.



Le port est petit et à l'écart de la ville située 60 mètres au-dessus. C'est une atmosphère que nous ne connaissons pas. Les allées entre les pontons sont étroites, la manœuvre n'est pas facile et à midi nous sommes amarrés. Nous venons de parcourir 800 nautiques, malgré la fatigue nous sommes ravis et heureux d'être là. Pour Pascal c'est encore mieux car , enfin, ça ne bouge plus. Mardi 8 , mercredi 9 et jeudi 10 Août. A Santa Maria. Formalités d'entrée aux Acores, repos, sieste, dodo, apéro, courses, lessives, re-apéro, redodo et re-sieste . Philippe qui n'est pas vacciné est consigné à bord en attendant le résultat de son test covid, les autres vont faire un tour. On loue une voiture et on parcours l'île par les routes secondaires.


Ici, les routes secondaires sont similaires à nos chemins vaccinaux et les grandes routes à nos départementales de second rang. En fait, nous ne passerons la troisième que sur la grande route en rentrant à Villa do Porto le soir venu. Ici une voiture à 2 vitesses serait suffisante. Nous nous gorgeons de paysage terrestres...et d'ananas.


Vendredi 10 Août.

Nous quittons Santa Maria pour l'île de Sao Miguel, distante de 55 nautiques.

Petite navigation voile moteur pour cause de vent faible.

Arrivés le soir dans un port semi industriel avec des allées bien larges et un front de mer bien laid. En bref, tout le contraire de Santa Maria.


Formalités d'entrée (et de sortie), je passe devant les bureaux du port, de la douane, de la police maritime, de l'immigration (et oui) ....c'est tout !


Samedi 11 Août

Un autre grand départ, cette fois ci pour Brest ou Camaret , il faut toujours passer par Camaret, une distance de 1150 nautiques. Pascal a bénéficié d'une téléconsultation médicale auprès d'une toubib française et nous savons ce que nous avons à faire au cas où.

La météo sera clémente pendant au moins cinq à six jours. Ensuite, ça devrait aller mais la probabilité d'erreur des prévisions météo devient importante . La situation est tout de même un peu complexe puisqu'il nous faudra suivre une route un peu plus au nord de la route directe orthodromique pour éviter la panne de vent sur l'ensemble du trajet. Nous partons avec la route tracée sur notre logiciel de routage (tout neuf) et ...un très gros plein de gazole (600l)! Nous longeons la côte sud de Sao Miguel et au bout nous envoyons le grand spi. Les catastrophes s'enchaînent alors gaiement. D'abord l'écoute de spi passe à l'eau, on la récupère, ensuite comme le spi est trop déventé par la GV, il fait un nœud autours de l'étais et enfin l'avaloir de la chaussette fait un autre nœud autours de l'étais de trinquette. L'ensemble est fermement souqué par une rafale qu’on n’attendait pas. Le tout donne un petit air de paquet cadeau à notre voilier. On bataille deux heures, tire, détortille, dévente, pousse, on s'est fait mal, un peu, on s'est fatigué beaucoup, on s'est mouillé, avec de l'eau plus chaude qu'en Manche. On a déchiré le spi, un peu, et on a rangé ce foutu spi en cale. Fin de l'histoire. On a continué avec le génois un peu roulé, ça marchait à 6 kn , souvent 7, sortir le spi était une sottise, quoique puisse demander le logiciel de routage. Alors on s'est vengé, au dessert, on a immolé le plus gros de nos ananas et on l'a mangé, avec du cake Forchy . Ensuite ca allait mieux. La première partie de la nuit fût ventée. Nous avons foncé. Tout allait bien, nous étions entre le grand largue et le travers. Tout le temps qu'a duré mon quart je ne pouvais m'empêcher de penser que c'était le début du retour, le début de la fin d’une virée formidable, nous avions commencé à rentrer. La seconde partie de la nuit fût un peu plus molle. Au bout de 24 H nous avions fait 146 nautiques, ça nous a convenu. Dimanche 15 Août. Jour2,


Je me réveille en bonne forme et vais rejoindre l'équipage dans le cockpit pour un petit déjeuner tardif pour moi, un second petit café pour eux. Seul Philippe est dehors ce matin, Pascal est retourné se coucher. Ils sont tous les deux fatigués car ils ont mal dormit. La journée se passe donc en sieste à tour de rôle. Pendant ce temps le bateau file entre 6 et 7kn. J'envoie les lignes de traine, toujours sans résultat. On mange, on parle, on rêve, on s'émerveille en regardant l'étrave du bateau qui fend les flots, on contemple la mer et le soir arrive. Doucement la pénombre s'installe, je me retrouve seul, je règle, je renvoie du génois jusqu'à le dérouler entièrement. Nous ralentissons, les mouvements du bateau sont plus mous, mes équipiers devraient pouvoir dormir plus sereinement, la lune se lève, le vent refuse un peu, nous glissons sur une mer devenue noire, les heures passent. La lune devient rousse et descend vers la mer. Elle disparaît, mon quart est terminé, je vais mettre la viande dans le torchon. Lundi 16 août Jour 3


La nuit dernière a été calme. Nous avons tous dormis comme des loirs , des loirs de mer bien sûr. Il n'échappera pas à quiconque que le loir de mer est rare. Comme on sait que ce qui est rare est cher on peut conclure que le loir est cher. Enfin nous sommes tous en pleine forme, en plus nous sommes propres puisque nous nous lavons sur le pont à grand coup de douche solaire. Aujourd'hui, les loirs sentent bons et en tous cas bien meilleur qu'un gugusse coincé dans une capsule spatiale qui ne peut sûrement pas prendre de douche puisqu'il n'y a pas de gravité.